Déluge en terre saxonne
- EnRouesLibres
- 30 juil. 2018
- 4 min de lecture
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Jour 109 : Lundi 30 Juillet
Jeudi, nous nous postons bien à l'avance à notre rendez-vous en gare pour la ville de Brasov, en Transylvanie. Alors que l'heure approche, le suspense monte : comment va-t-on faire entrer les vélos dans le train ? Nous savons pertinemment qu'ils n'y ont pas leur place. Le seul train qui, nous pensions, pouvait les accepter n'existait finalement pas. Nous nous sommes donc rabattus sur les premières places disponibles sans permission pour nos vieux routards. À son arrivée, pour ne rien arranger, alors que nous déchargeons les sacoches, le vélo d'Anthony, soudain plus léger, tombe à la renverse. La sacoche avant, ouverte, laisse se disperser les affaires sur le quai. Nous venir en aide serait bien trop de temps perdu pour un contrôleur qui sait si bien l'user pour ronchonner. C'est encore une fois un voyageur qui finira par nous prêter ses bras. Ici, pas de wagon-vélos et pas d'espace non plus : nous stockons nos sacoches contre une porte de sortie et nos vélos prennent place à cheval entre deux voitures. Revoilà le contrôleur ! Nos voyageurs clandestins doivent avoir leur billet. Anthony tend sans broncher la monnaie selon le prix déjà payé pour notre précédent trajet. L'homme à la casquette ne l'entend pas de cette manière : il sort son cahier afin de nous inventer un prix bien plus cher. Pourquoi ne pas en profiter pour mettre un peu d'argent de côté ? Hop, c'est d'accord, assez de sous, ce sera pour sa poche ! Nos numéros de siège inscrits sur nos billets resteront introuvables. Nous sommes réduits à nous agenouiller à côté de nos bagages quelque peu encombrants. Place peu confortable mais qui nous donne l'avantage de garder l'œil sur nos affaires. À chaque arrêt, nous devons nous méfier des voyageurs qui entrent et se risquent parfois à ouvrir furtivement LA porte interdite : badaboum et 2 sacoches par terre, bienvenue à bord !
Enfin arrivés, nous prenons un bon bol d'air dans la ville agréable de Brasov. Mais ce n'est pas sur la place centrale, entre l'église noire et le musée, que nous pourrons bivouaquer alors nous repartons vers les petits chemins. L'orage pointe le bout de son nez...il va falloir nous installer. Alors Anthony interpelle un habitant. Les voisins arrivent. Tous vivent dans cette même maison, partagée en différents appartements. Kristina, une des plus jeunes parlant superbement anglais, aide à traduire la conversation. Plutôt que sur le carré de verdure demandé, nous nous retrouverons chez Letuna qui a une chambre disponible. Elle nous offrira même une bonne soupe pour nous requinquer. Nous serons aussi époustouflés par l'incroyable talent de Gabi (son fils) maniant à la perfection sa collection de bilboquets. Pour finir de nous impressionner, il tiendra à battre Anthony au match de foot sur sa PlayStation.

Nous repartons le lendemain, vendredi, le ventre bien plein de frites maison dès notre petit-déjeuner. Coui, coui...couine le vélo d'Anthony. Serait-ce un rayon un peu fatigué ? C'est avec une épée de Damoclès au-dessus de notre tête que nous poursuivons notre petite ascension. Nous traversons le village d'Holbav puis nous nous engageons sur une piste de graviers coupant à travers collines, forêts et pâturages. Plongé dans ces beaux paysages pittoresques, Anthony se croit immergé dans le film des Seigneurs des Anneaux au cœur de la Comté.

En fin d'après-midi, la pluie revient. Plutôt que de nous aventurer sur des chemins risquant d'être trop boueux, nous dévions quelque peu de notre itinéraire sur la grande route jusqu'à la ville de Fagaras. Couverts de la tête aux pieds, nous retrouvons alors un important trafic routier, arrosés autant par les nuages que par les véhicules. L'heure étant tardive, nous allons au camping proche de la ville, au prix largement abordable : 4.20 € pour deux, record à battre !

Samedi, nous quittons Fagaras et son château pour reprendre les petites routes de montagne où nous croisons quelques habitants des pâturages : moutons, chevaux mais aussi cochons. Au fil des kilomètres, nous traversons de nombreux petits villages saxons, anciennement occupés par des allemands et restés très ruraux. Ici, pas de grandes enseignes mais de petites épiceries ouvertes, pratiques pour nous autres voyageurs. Nous rejoignons Viscri en empruntant la route, ou plutôt la piste, nous recouvrant de poussière à chaque passage de véhicule. Nous nous laissons tenter par la visite de son église fortifiée. Après la tempête de sable, c'est maintenant une pluie diluvienne qui s'abat sur nous. Heureusement, du haut du donjon, nous en sommes épargnés, mais nous gardons une pensée pour nos pauvres vélos, en bas, qui, eux, doivent être bien mouillés. Une fois le calme revenu, nous trouvons un coin pour la nuit sur les hauteurs d'une colline alentour.
Dimanche, nous dépassons encore beaucoup d'églises fortifiées, sans regretter la visite de celle de Viscri, nous semble-t-il une des plus jolies. Après quelques kilomètres passés sur une route aux côtés des voitures, nous arrivons à Sighisoara, ville native du personnage à l'origine de Dracula.

Finalement, faute du vampire, ce sont des chevaliers de l'époque médiévale qui animent la ville, à l'occasion du festival annuel. Mais même sans eux, le décor nous fait remonter dans le temps : la belle tour de guet nous accueille dans la citadelle sillonnée de rues pavées et dotée de jolies maisons de pierre.

Et plouf ! Ce qui devait arriver arriva : la pluie, encore ! Tous à l'abri ! Si nous trouvons refuge sous un porche, agglutinés dans la foule, nos vélos, eux, doivent encore subir les foudres du mauvais temps sans protection. Quand nous les récupérons, le courage de camper sur un terrain humide et spongieux s'est envolé. Nous passons la soirée à étendre toutes nos affaires dans une chambre : les sacoches sont-elles bien imperméables ?
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